A mesure que les valeurs de gratuité ont cédé la place à l'efficacité et à l'utile l'artiste a progressivement été considéré comme un homme à part, et ses oeuvres comme relevant de l'esthétique. Pourtant l'art est aussi ancien que l'homme. De Lascaux à Picasso, l'activité artistique accompagne le chemin de l'humanité et semble être liée à l'homme, quelle que soit sa condition, par une mystérieuse solidarité. Rowan Williams, s'appuyant sur la poétique de Jacques Maritain et son influence sur des artistes comme David Jones en Angleterre, ou Flannery O'Connor en Amérique, montre dans ce livre la nature « épiphanique » de l'oeuvre d'art. L'artiste, à la frontière de l'esprit et de la matière, est l'agent par lequel quelque chose de la profondeur du monde apparaît. En ce sens, la culture est la « grâce naturelle » par laquelle la nature recouvre en partie sa fonction originelle, qui est de laisser transparaître la présence de Dieu à travers le surcroît de sens que contient l'oeuvre d'art. Rowan Williams y voit là le double lien qui unit l'art à la Création et à la Rédemption. A la Création par l'activité artistique en elle-même, qui continue l'oeuvre divine dans son ordre propre ; à la Rédemption, par son lien avec l'eucharistie, qui est un signe « fabriqué » par le Christ pour se rendre présent et nous laisser entrevoir quelque chose de cette « terre nouvelle et des cieux nouveaux » où le Verbe sera tout en tous. Rowan Williams est l'actuel archevêque de Cantorbury. Primat de l'Eglise d'Angleterre, il est aussi l'une des grandes figures spirituelles et intellectuelles de l'anglicanisme contemporain.
