" Je ne savais pas que je m'embarquais pour un voyage quand j'écrivis les premiers mots de On s'est déjà vu quelque part ?, et je ne pensais pas que l'eau calme m'attendait peut-être, moi aussi. Mais je comprends qu'un mouvement a commencé à ce moment-là qui ne sera pas terminé avant que j'entre dans la quiétude. Sans doute parce que je peux entrevoir le lac de la pièce où j'écris ceci, je me dis parfois que j'y arrive, que j'y suis presque. " Le premier récit autobiographique de Nuala 0'Faolain, On s'est déjà vu quelque part ? (Are you somebody ? ; Sabine Wespieser éditeur, 2002), devait être une simple préface à un recueil de ses chroniques journalistiques parues dans le Irish times. Le livre a connu un succès inattendu et considérable, et a totalement changé la vie de son auteur : d'éditorialiste solitaire les pieds solidement ancrés dans la terre irlandaise, elle est devenue un écrivain célèbre, vivant une partie de l'année aux États-Unis. J'y suis presque (Almost there) s'ouvre au moment de ce changement radical. Dans ce deuxième livre de mémoires, Nuala O'Faolain revient sur les six années écoulées depuis la parution de son premier récit : elle y évoque tout d'abord, avec la sincérité qui la caractérise, l'effet produit par son texte sur ses proches ; elle nous entraîne dans les coulisses de Chimères (My dream of you ; Sabine Wespieser éditeur, 2003), son premier roman, qu'elle écrivit aux États-Unis ; elle raconte sa rencontre, par internet, avec John, un juriste de Brooklyn et sa décision, malgré les échecs antérieurs, de tenter de vivre avec lui, de surmonter les différences et les obstacles ; et elle parle notamment avec une brutale et surprenante honnêteté de sa jalousie pour la petite Anna, la fille de son ami, et de sa difficulté d'accepter une famille aimante toute neuve. Car rien n'est gagné, et si elle y est presque, ce n'est pas sans souffrances ni sans hésitations : cent fois elle dit avoir voulu repartir pour l'Irlande, en proie à une sourde nostalgie du pays natal et à un sentiment de fatalité familiale. Dans tout ce livre, rode le fantôme de sa mère, morte misérable et solitaire de n'avoir pu se défaire de ses démons. Nuala O'Faolain a voulu écrire ce livre pour mettre de l'ordre dans le chaos de sa nouvelle vie. C'est peu dire qu'elle donne, à ses lecteurs habituels, le sentiment de retrouver une vieille amie, à qui le succès n'est pas monté à la tête, qui continue de douter et de s'interroger. C'est peu dire aussi qu'elle écrit un livre magistral, intelligent, drôle, féroce, émouvant et généreux sur la période de la vie qu'elle traverse : " La cinquantaine est la période de la vie dont on parle le moins, et cependant j'ai l'impression que c'est la plus exigeante. C'est l'adolescence qui revient de l'autre côté de la vie adulte - le serre-livres correspondant - avec ses troubles de l'identité, ses mauvaises surprises physiques et la force qu'il faut pour s'en accommoder. " Chemin faisant, sans avoir l'air d'y toucher, Nuala O'Faolain construit une oeuvre littéraire remarquable qui s'ancre au coeur d'une réflexion très contemporaine sur le rapport à la fiction : J'y suis presque est avant tout le roman d'une vie, la sienne, mais aussi un miroir pour beaucoup d'autres.